Friday, December 30, 2011

Témoignage (CWB and WCC, Haiti 2011)

J'essaye de ramener un bout de nos expériences en Haïti pour les partager. Un souffle du projet. Un peu tardif, mais voici :

Pendants des journées après mon retour je me sens toujours en suspension. Pas encore arrivée. Je pourrai ouvrir la porte de mon appartement et me retrouver à Porte au Prince, me réveiller au milieu de la nuit avec le ton du ventilateur dans mes oreilles.

Je me demande comment ils le sentent la fin du projet, les formateurs et les enfants. Cette question comme une brume qui flotte autour de moi mais je n'y réponds pas. Je n'essaie même pas vraiment d'y imaginer. Mais la question résonne.

Une des formatrice m'a dit avant qu'on parte : « vous n’êtes même pas partis et vous me manquez déjà. Ça va être bizarre lundi de ne plus avoir la formation. » Un projet si dense et pendant lequel je me dis assez souvent que j'adore trop ce travail. C'est addictif. Et ce projet ci, qui a eu un tel élément de formation, avec un groupe tellement investi, j'en sors fière d'avoir été témoin de voyages individuels à l’intérieur du voyage du groupe.

Fabrication de balles de jonglage

Fabrication de nez

Formation de formateurs

Une formatrice qui a eu du mal avec l'acrobatie. Elle était consciente de son corps plus grand que les autres dans le groupe. Mais c'était aussi un plus grand challenge pour elle. Et a la fin de la semaine on la croise dans le centre ou elle travail, elle nous dit, toute souriante et pétillante qu'elle organisera la partie acrobatie d'un spectacle avec les enfants de son centre.

Au début de la semaine un autre formateur parlait de sa peur face à des groupes d'enfants et il nous a demandé si notre formation allait lui libérer de sa peur. Au moment de sa question j'ai senti un vide s'ouvrir dans la conversation. Je me retrouvais face à un groupe qui avait confiance en moi, Formatrice de formateurs. Et j'adore laisser la place à des questions. Mais quoi répondre ? J'ai parlé du travail d'expression d’émotions du clown, et du fait qu'on joue de nos émotions. C'est le dernier jour de la formation, en faisant un numéro avec son groupe, que ce même formateur se lâche dans des énormes pleurs absurdes. La psychologue de War Child nous dit qu'elle est allée le voir sur son lieu de travail et que lui, qui était au par avant plutôt fermé dans son approche avec les enfants, était entrain d'enseigner toutes les activités qu'il apprenait avec nous les matins. Elle le voyait plus proche dans son rapport avec les enfants, son visage plus ouvert. C'est au moment de ce retour positif qu'on se souvient de son questionnement du début.

C'est le premier projet formation Clowns Without Borders auquel je participe dans lequel on arrive à aborder non seulement le jeu mais aussi le clown. On vise à rester claire entre les activités qui sont destinés au travail avec les enfants – des jeux qui privilégie le ludique, l'expression, et aussi la concentration, l'écoute de groupe – et les exercices de clown destinés à ce sacré groupe de formateurs dans lequel il y a des écrivains, des comédiens, des metteurs en scène, des sculpteurs, des musiciens, et des clowns avec une sacrée envie de jouer sur scène pour un public.


On incorpore les numéros des 24 formateurs dans les spectacles qu'on créé avec 20 enfants et 5 formateurs assistant/apprentis. Et tout le monde met le nez. Le moment que le publique apprécie le plus c'est quand on fait tous la poule, l'espace de scène est envahie par 33 poules !!! Et puis on se fait chassée par un coq ! Alors on devient des chats et on le pourchasse à son tour et le coq se réfugie dans le publique.




Le long de nos ateliers, on témoigne aussi des enfants timides qui s'ouvrent et s’expriment de plus en plus. Une fille qui au début a beaucoup de mal à se concentré et qui nous pince pour avoir notre attention. À la fin des ateliers, c'est elle qui est une des leaders de son groupe et qui aide les autres à rester concentrés sur leur numéro. Elle nous donne des bisous au lieu de nous pincer.

Dans chaque projet auquel je participe on chérit les retours de ce genre qui mettent en évidence la valeur de notre travail.

Mais cette année je me retrouve pleine de questionnement et discussion sur le terme de « thérapie » et sur l'utilité de « l'aide humanitaire ». Ces deux termes et domaines sont basé sur une hiérarchie de celui qui a des troubles et celui qui peut l'aider.

Je pense que la beauté de notre travail est que notre but n'est pas d'aider dans ce sens hiérarchique.

Notre but c'est de jouer, de se pencher sur le joyeux, l'absurde, le ludique (et des fois l'importance et le sérieux du jeu, car des fois jouer c'est important et sérieux...) Et de jouer avec tout le monde qu'on rencontre: du directeur d'une ONG au cireur de chaussures, ce qui « aident » et qui sont « aidés », ce qui soignent et sont soignés, et tout ce qu'il y a entre ces pôles extrêmes.

On fait ça parce qu'on est clown, et parce qu'on approche le monde avec cette naïveté face à l'hiérarchie, notre travail reste celui des clowns sans frontières même dans les moments qu'on n'est pas « en clown ».


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